Journée du Refus de l’Échec Scolaire

En cette période de rentrée scolaire, ce sont un peu plus d’un million de jeunes[1] qui sont attendus sur les bancs de l’école. Si pour la grande majorité l’école est un lieu d’apprentissage où des liens d’amitié se créent, pour d’autres l’expérience est autant difficile que douloureuse. Ainsi, un jeune sur cinq[2] abandonnera de façon précoce. 

Face à ce constat alarmant et toujours plus soucieux de soutenir les jeunes en difficultés, leRegroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCLD) se joint à l’Association de la Fondation Étudiante pour la Ville (AFEV) pour tenir la Journée du Refus de l’Échec Scolaire (JRES), ce 25 septembre 2019. Au Québec, il s’agit d’une 1re édition, qui se veut dénonciatrice d’un système défaillant, malgré les grands succès de notre système d’éducation. 

La Journée du Refus de l’Échec Scolaire est nécessaire. Elle vient rappeler que l’échec scolaire freine le plein épanouissement de notre société, en mettant en péril l’avenir d’un jeune sur cinq[3]. Il s’agit d’un appel à l’action. Il incombe à la société et au gouvernement de se pencher sur les causes profondes sociales et structurelles qui mettent à mal nos enfants, au-delà de la bonne volonté et de la persévérance dont font preuve les jeunes et les acteurs du système éducatif. 

Le ROCLD compte 59 organismes communautaires de lutte au décrochage (OCLD), qui accompagnent et soutiennent plus de 8 000 jeunes en difficultés chaque année. Ces organismes œuvrent sans relâche, afin de favoriser la réussite scolaire et éducative de tous. Le ROCLD est à même de témoigner des symptômes d’une jeunesse en difficulté.

Pour les OCLD, le constat est sans équivoque : il est préférable de prévenir le décrochage, plutôt que de guérir du décrochage. 

Le cas échéant, l’effort fourni par les jeunes est très important. Un tel effort nécessite de panser ses blessures. Mais également une capacité à modifier sa perception de soi abimée par les difficultés, ainsi qu’une aptitude à réapprendre à accorder sa confiance. Trois éléments essentiels observés par les intervenant. e. s de première ligne dans les organismes communautaires, pour que les jeunes puissent se remettre en action. Cela peut prendre des mois, une, deux ou parfois même trois années. L’acte de frapper à la porte d’un OCLD représente un pas de géant, signe manifeste que les élèves ne souhaitent pas quitter le système scolaire prématurément. 

Dans les organismes communautaires de lutte au décrochage, nous observons l’ampleur des défis. Ce ne sont plus simplement des défis causés par des difficultés individuelles ou familiales que l’on peut parfois régler en multipliant les actions d’encouragement et de bienveillance. Mais bien le reflet de causes profondes liées, entre autres, à la défavorisation socio-économique, à la médicalisation des difficultés scolaires et des problèmes sociaux, aux stéréotypes de genre et à la résignation faute de ne pas avoir répondu aux exigences d’un système intransigeant. Ces facteurs à l’origine du décrochage sont constatés et très clairement dénoncés par les OCLD. 

Dans les faits, bien que la pauvreté régresse au Québec, 74 780 enfants[4] vivent encore en situation de pauvreté. C’est inacceptable. Par ailleurs, notre jeunesse présente des symptômes que nous ne pouvons plus ignorer. Il suffit de regarder le nombre croissant d’enfants et de jeunes pour qui l’entrée à l’école marque un premier pas vers des diagnostics et une importante médicalisation. 

« Les plus petits du primaire, comme les plus grands au secondaire arrivent dans les OCLD avec leur histoire et bien souvent, ont reçu un ou des diagnostics et prennent une médication. À 16 ans, il n’est pas rare de voir un jeune arriver avec un sachet de différents types de médicaments pour calmer les différents troubles de santé mentale et physique qui se sont multipliés durant son petit nombre d’années de vie. »

Le nombre de jeunes aux prises avec des dits troubles d’apprentissage avec ou sans hyperactivité, des troubles de comportement, des troubles anxieux, l’expérience d’un épisode de dépression, est en augmentation. Au Québec, la prise de médicament antipsychotique a quasiment doublé entre 2005 et 2015[5], en même temps que la liste des diagnostics s’allongeait. Sommes-nous mieux renseignés ou est-ce à force, entre autres, de tenter d’insérer les jeunes dans un système de moins en moins adapté aux nouvelles réalités ? À fortiori, pour un trop grand nombre, les échecs au sein du système scolaire et le placement d’un jeune dans une « voie de garage » où il « fait du temps » en attendant ses 16 ans, est un acharnement douloureux qui le forcera, dans bien des cas, à décrocher au cours de l’année qui vient. Finalement, décrocher n’est pas le 1er choix. C’est un choix par dépit. Une sortie de secours quand rien ne va plus. 

« Depuis plus de 20 ans, je travaille avec des jeunes en difficulté. Jamais je n’ai rencontré un jeune qui ne voulait rien faire de sa vie. Ils souhaitent tous devenir des adultes autonomes, avoir un emploi, une famille… »

Le réseau social, la camaraderie, l’activité de vie et l’école occupent une très grande place dans la vie d’un jeune. Décrocher c’est pour la plupart une action pour arrêter de souffrir, pour arrêter la descente, une résignation à ne pas avoir de place à l’école faute d’avoir répondu aux exigences d’un système qui, nous le savons, est encore à ce jour inégalitaire. 

ROCLD — Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage


[1] Effectif scolaire de la formation générale des jeunes, année scolaire 2015-2016, Québec. MEES, TSE , DGSEG, DIS, Portail informationnel, système Charlemagne, données au 26 janvier 2017.

[2] Taux de diplomation et de qualification par cohorte au secondaire. MEES, TSE, DGSEG, DIS, mai 2018.  Nb :  Afin d’obtenir des données comparables avec les autres provinces, l’Institut du Québec a choisi d’utiliser le taux de diplomation sur cinq ans. Ainsi, « le taux de diplomation en cinq ans dans le réseau public québécois ne s’est pratiquement pas amélioré depuis près d’une décennie, oscillant entre 59 et 65 % ». Homsy, Mia, et Simon Savard. Décrochage scolaire au Québec : dix ans de surplace, malgré les efforts de financement, Montréal, Institut du Québec, 2018.

[3] Ibid

[4] Taux de faible revenu en 2016 selon la mesure du faible revenu (MFR) chez les enfants de 0 à 5 ans. Statistique Canada, Fichier sur les familles T1 (FFT1), adapté par l’Institut de la statistique du Québec. 

[5] Selon les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Cousineau, M-E. 2016. De plus en plus de jeunes prennent des antipsychotiques, réf. Du 10 avril 2016, https://ici.radio-canada.ca/

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